Le baiser
Il ne s’agit pas ici du célèbre tableau (de 1908-1909) de Gustav Klimt, bien que la scène suivante se passe en Autriche.
Lors d’un de mes premiers séjours à Graz, j’ai été assez étonnée de m’entendre proposer par un quasi-inconnu « Möchten Sie ein Baiser? » Devant mon embarras, on m’a vite expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une proposition malhonnête mais que ce « Baiser » était tout simplement une meringue. D’ailleurs, nous nous trouvions dans une pâtisserie-salon de thé pour déguster des glaces.
« Baiser » a été emprunté au français vers le milieu du XIXe siècle pour désigner cette pâtisserie légère, faite d’un mélange de blancs d’œufs battus en neige et de sucre en poudre, qui – explique-t-on – rappelle en fondant dans la bouche la saveur d’un baiser ! (1)
Si le substantif « baiser » et ses variantes « bise » ou « bisou » correspondent en allemand à küssen, Kuss et Küsschen, l’emploi du verbe « baiser » est plus délicat : on peut baiser très galamment la main d’une dame, c’est-à-dire lui faire un baise-main (même si c’est aujourd’hui plutôt « vieille France« . Cependant, employé intransitivement (« baiser » sans complément) ou sous la forme « baiser qn », le verbe possède aujourd’hui une connotation sexuelle vulgaire : copuler ou coucher avec qn.
« Jemanden küssen » se traduit donc par « embrasser qn« , « donner un baiser, faire la bise à qn« . (2)
D’ailleurs, il y a « baiser » et « baiser »… Les Romains de l’antiquité, eux, faisaient une différence lexicale entre
– l’osculum (diminutif de « os, oris« , la bouche) : c’est l’ancêtre de la bise ;
– le basium : baiser affectueux, échangé en famille par exemple ;
– le suavium : baiser « suave », « doux », un baiser érotique qui correspond au « french kiss« .
Pour être au courant
1- La meringue s’appelle Baiser, ainsi que spanischer Wind ou Schaumgebäck en Autriche.
Mais elle n’a jamais porté le nom de « baiser » en français où le mot « meringue » est attesté depuis la fin du XIXe siècle.
2- Toutes ces formes de « baiser » viennent du latin « basiare« , lui-même dérivé du sanskrit « bhadd » (ouvrir la bouche). « Bhadd » a aussi donné
– le verbe « bader » (vieilli) : rester bouche bée
– et le substantif « badaud » : un promeneur curieux, un flâneur qui s’attarde pour regarder les spectacles de la rue (parfois les accidents), en s’étonnant un peu bêtement de tout.
Les quatre saisons
Printemps, été, automne, hiver, c’est bien sûr le nom des quatre saisons de l’année, mais ce sont aussi des patronymes, tout comme leurs correspondants Frühling, Sommer, Herbst und Winter.
Cependant, ces noms « saisonniers » sont nettement moins répandus en France qu’en Autriche ou en Allemagne.
– Par exemple, si on compte quelque 60 000 personnes dont le nom de famille est Winter en Allemagne, on ne répertorie qu’environ 900 Français appelés Hiver (avec sa variante Hivert).
– Alors qu’on dénombre 56 000 porteurs du patronyme Sommer en Allemagne, ils sont moins d’une centaine à porter le nom « Été » en France (1).
– En France, la personne la plus connue à avoir porté le nom de Printemps est la chanteuse et actrice Yvonne Wigniolle (1894-1977) : c’est le pseudonyme qu’on lui avait donné au début de sa carrière. (2)
– Le nom Printemps est surtout répandu en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane : dans ces trois départements d’outre-mer, ce patronyme a été attribué aux esclaves affranchis après l’abolition de l’esclavage en 1848 : c’était pour eux une nouvelle « saison », un nouveau chapitre de leur vie qui commençait.
– En France métropolitaine, le patronyme « printemps » – mais aussi « été » ou « hiver » – a le plus souvent été donné aux enfants trouvés à cette période de l’année.
Dans le Forez (Massif Central) par exemple, on a retrouvé dans les archives la trace de Jean Printemps, Anne du Printemps, Marie Dété ou Antoinette Hivert, pour ne citer que quelques exemples. Les « Automne », eux, sont rarissimes.
Des noms pseudo-saisonniers ?
– Le nom Hiver est porté en France (surtout dans le Nord) par près de 900 personnes, mais il est probable que ce patronyme n’a rien à voir avec la saison (lien). Il serait dérivé d’un ancien prénom, « Iver, très porté au Moyen-âge en Normandie, et qui avait été popularisé par un chef viking ». Il est composé de la racine iw– (qui signifie « if », arbre symbole d’éternité) et de heri (armée, guerrier). (3)
On constate le même phénomène en allemand où les noms de famille Frühling, Sommer, Herbst und Winter n’ont, dans la majeure partie des cas, pas de rapport étymologique avec les quatre saisons.
– Ainsi, Frühling est une déformation de l’adjectif « fröhlich » et a probablement désigné à l’origine une personne particulièrement enjouée.
– Herbst est dérivé du prénom Herbert – ou Heribert – qui est composé de heri (Heer, Krieger : armée, guerrier) et de beraht (brillant, célèbre).
– Winter vient de l’ancien prénom Windher, composé de win (Freund) et de heri (Heer).
– Quant au nom Sommer, il est probablement dérivé de l’ancien bas allemand « somere » qui désignait la bête de somme : ce titre était porté à l’origine par celui qui avait la responsabilité d’entretenir et de mener ces animaux (cheval, âne, mulet, bœuf, chameau…) utilisés pour transporter de lourdes charges.
En français, la racine latine « sauma » a donné le mot « sommelier » qui, au XIIIe siècle, était lui aussi un conducteur d’animaux de bât, avant de devenir un caviste, expert en vins. (4)
Pour être au courant
1- Cependant, dans le Sud de la France, ils sont un peu plus nombreux à s’appeler Estival (patronyme dérivé d’été).
2- Yvonne avait alors 11 printemps, et sa mère, qui la chaperonnait, avait été affublée du sobriquet « Madame Hiver ».
3- Le prénom Yves est lui aussi dérivé de cette racine celte (ivos en gaulois, ivin en breton, yw en gallois) et germanique (iwe en moyen haut allemand, ew en moyen anglais).
4- de la bête de somme à l’art de la sommellerie :
du grec « sagma » (le bât) → latin « sauma » (troupeau) → sommarius (celui qui conduit les bêtes de somme).
– Chargé d’abord du transport des biens du seigneur en campagne, le sommelier devient ensuite l’officier chargé de superviser le transport du matériel et de l’intendance des vivres. Devenu responsable de la mise du couvert et de la préparation du service de table (au XIVe siècle) – une sorte de maître d’hôtel – , il finit par remplacer l’échanson, celui qui sert à boire. Ce n’était pas un simple domestique mais un homme de confiance car c’était une charge à haute responsabilité à une époque où le risque d’empoisonnement était très élevé.
A partir de 1812, le terme prend le sens que nous lui connaissons aujourd’hui et désigne la personne qui s’occupe du vin et des caves.
Chambrer : foot, vin et cacao…
Euro 2024 : Lors de la séance d’entraînement de l’équipe de France, Kylian Mbappé s’est présenté avec un nouveau masque de protection. Et le capitaine des Bleus, blessé au nez, s’est fait chambrer par Antoine Griezmann » avec la chanson de Zorro : « Un cavalier qui surgit hors de la nuit… » (article)
Chambrer quelqu’un, c’est se moquer (plus ou moins gentiment) de lui. On dit aussi « charrier« , mais le verbe « chambrer » est beaucoup plus répandu dans le domaine sportif, particulièrement lorsqu’il s’agit de foot.
Par exemple, tenu en échec par le gardien Emiliano Martinez lors des tirs au but de la finale du Mondial en 2022, Kylian Mbappé s’était déjà fait chambrer après le match – mais de manière plus rosse – par les Argentins victorieux.
Ainsi, selon le degré de bien- ou malveillance de la moquerie, on traduit le verbe par scherzen, sich auf jn lustig machen, jn auf den Arm nehmen », « frotzeln », ou jn durch den Kakao ziehen, jusqu’à « verspotten » et « verhöhnen« .
Pourquoi « chambrer » ? Bien que coéquipiers, K. Mbappé et A. Griezmann ne sont probablement pas camarades de chambrée (1). L’hôtel quatre étoiles dans lequel toute l’équipe réside pendant la durée de l’Euro a été entièrement privatisé pour les Bleus : une centaine de chambres sont à la disposition des joueurs et des membres du staff qui n’ont donc pas à partager leur chambre.
C’est en effet du nom de cette pièce que vient le verbe « chambrer ». A l’origine, il signifie « loger ensemble (dans la même chambre) », puis « garder qn enfermé dans une chambre », le claustrer, voire le séquestrer.
Au XVIIIe siècle, le verbe prend un sens figuré et signifie « tenir qn à l’écart pour essayer de le convaincre, pour empêcher qu’il subisse d’autres influences et, éventuellement, pour le circonvenir. »
Ce n’est qu’au début du XXe siècle (1ère attestation en 1926) que, par un nouveau glissement de sens, « chambrer qn » prend le sens familier de railler, charrier, se moquer de qn : il est utilisé dans le domaine sportif.
L’expression équivalente en allemand, « jn durch den Kakao ziehen » (littéralement « traîner qn dans le cacao ») apparaît, elle aussi, au début du XXe siècle et n’a rien à voir avec cette boisson chocolatée.
C’est le résultat d’une euphémisation : à l’origine, on disait jn durch die Kacke ziehen (du latin « cacare » : déféquer) : l’évolution de l’expression s’explique par la ressemblance phonétique et la similitude de couleur (marron) entre le « caca » et le « cacao ».
L’expression « durch den Kakao ziehen » a été popularisée par Erich Kästner, dans un recueil de poèmes satirico-politiques « Gesang zwischen den Stühlen » de 1931 :
„Was auch immer geschieht: / Nie dürft ihr so tief sinken, / von dem Kakao, durch den man euch zieht, / auch noch zu trinken! » (Quoi qu’il arrive, / Jamais vous ne devez tomber si bas / Que vous en viendrez à boire le cacao / Dans lequel on vous a traîné).
Le « cacao » évoqué dans ces vers de Kästner est une allusion à la menace représentée par la montée du national-socialisme dans l’Allemagne des années 1930 : la « peste brune ». (3)
En passant de « Dreck » ou « Kacke » à « Kakao« , l’expression a perdu de sa vulgarité mais aussi de sa méchanceté.
L’humoriste Alex Kristan souligne la différence : „Ich ziehe (]Leute] durch den Kakao, aber nicht durch den Dreck“. S’il chambre les autres, il ne les traîne pas dans la boue. (article)
« Jn durch den Dreck ziehen = trainer qn dans la boue » signifie dénigrer qn, le calomnier, l’accabler de propos déshonorants. On est là bien loin d’un simple « chambrage« .
Pour être au courant
1- Tout comme « chambrée » (Stube + Stubengemeinschaft + Zimmergenossen), le mot « camarade » est dérivé du latin « camera » (chambre, pièce) : étymologiquement, c’est « celui qui partage la même chambre avec d’autres ».
2- Et le vin (rouge) ? Pourquoi le chambre-t-on ? Chambrer un vin, c’est laisser la bouteille quelques heures à température ambiante pour qu’il atteigne la température idéale de dégustation. (temperieren, chambrieren, auf Zimmertemperatur anwärmen).
C’est en Suisse romande – pourtant pas particulièrement réputée pour ses vins rouges à l’époque (en 1877) – qu’est attestée pour la première fois l’expression.
3- L’uniforme de couleur brun clair des SA, groupe paramilitaire allemand, a valu au groupe et aux nazis le surnom de Chemises brunes.
Erich Kästner n’a pas émigré lors de l’arrivée au pouvoir du parti national-socialiste en 1933. Il a été arrêté deux fois par la Gestapo et a été exclu de l’Union des écrivains.
Il expliquait ainsi sa position : « Je suis un Allemand de Dresde en Saxe / Mon pays natal ne me laisse pas partir / Je suis comme un arbre qui a poussé en Allemagne / Et qui, si nécessaire, se dessèche en Allemagne. » (d’après Wikipédia)
Souffler le froid et le chaud
« A force de souffler le chaud et le froid, Macron risque de se brûler », titrait – de façon prémonitoire ? – Libération le 22 mars 2023.
« Si le chef de l’Etat a dit assumer le passage en force de sa réforme des retraites (…), la tactique de taper sur les syndicats à la veille d’une neuvième journée de mobilisation contre le projet semble pour le moins étonnante (…) d’autant plus que, dans la foulée, [il leur] tendait la main pour les inviter à discuter. (…) Un froid et chaud qui dit bien à quel point la porte de sortie de crise est étroite pour Emmanuel Macron. » (article)
L’expression « souffler le froid et le chaud » se trouve dans la fable de La Fontaine intitulée « Le Satyre et le Passant ».
Entré chez un satyre (1) au moment du repas, un passant est invité à partager le brouet familial. Le passant souffle sur ses doigts, puis sur son potage. Étonné, le satyre lui en demande la raison. Le passant explique qu’il souffle sur ses doigts pour les réchauffer et sur son potage pour le refroidir. Le satyre le jette dehors en disant : « Arrière ceux dont la bouche / Souffle le chaud et le froid ».
Comme beaucoup d’autres fables de La Fontaine, cette histoire est empruntée au conteur grec Ésope (VIIe-VIe siècles avant J-C) qui conclut ainsi son récit: « Je renonce à ton amitié, parce que tu souffles de la même bouche le chaud et le froid. » (2)
Cet apologue (3) semble être encore plus ancien : on retrouve en effet une idée similaire dans l’Ecclésiaste (II, 14), livre de la Bible hébraïque rédigé vers le XIe siècle avant J-C : « Si vous soufflez sur l’étincelle, il en sortira un feu ardent ; si vous crachez dessus, elle s’éteindra ; et c’est la bouche qui fait l’un et l’autre. »
« Souffler le chaud et le froid » désigne aujourd’hui le comportement ambigu, d’une personne qui approuve puis critique une même chose ou une même personne, selon l’intérêt du moment et selon l’opinion de ceux à qui elle parle. C’est aussi, comme Emmanuel Macron, employer la tactique de la carotte et du bâton, autrement dit pratiquer la politique du « en même temps » permanent, une expression chère au président. (Macron für Einsteiger – ein Lexikon)
Dans l’espace germanophone, l’expression « warm und kalt aus einem Mund blasen“ existe mais n’est guère répandue.
Cependant l’histoire du Satyre et du Passant est connue au Tyrol sous la forme d’un conte intitulé « Das Waldmännlein und der Holzfäller » (4).
Par une froide journée d’hiver, un bûcheron rencontre dans la forêt un satyre qui s’étonne de le voir souffler sur ses mains pour les réchauffer. Invité à partager le repas du bûcheron, le satyre est très surpris de voir son hôte souffler sur son repas pour le refroidir. Avant de disparaître, il lui déclare :
– Du bist ein ganz unheimliches Wesen; Aus deinem Mund kommt bald warm, bald kalt, bei dir mag ich nicht länger verweilen.«
On peut traduire « souffler le chaud et le froid » par « einen Zickzackkurs fahren / steuern« . C’est l’expression utilisée dans cet article de la nzz.ch du 19 juin 2024, qui critique l’inconstance de la politique migratoire du président des Etats-Unis.
« Joe Bidens Zickzackkurs in der Asylpolitik: Der Versuch, es allen recht zu tun, wirkt wie eine Verzweiflungstat. (…) Mal schränkt er das Asylrecht ein, mal erleichtert er die Einbürgerung Papierloser. Das Hin und Her des Präsidenten kann seine Probleme mit den Wählern nicht lösen. »
● Selon les dictionnaires allemands, le terme Zickzack aurait été emprunté, au XVIIIe siècle, à l’expression française : « une tranchée faite en ziczacs » (ein Graben in gebrochener Linie verlaufend).
● Dans les dictionnaires français, par contre, il est indiqué que ce terme, attesté depuis 1718 et orthographié « ziczac » jusqu’en 1740, est « possiblement un emprunt aux langues germaniques » et serait dérivé de Zacke, « chose pointue ». (5)
Bizarrement, aucune des deux langues ne semble vouloir reconnaître la paternité du mot zigzag (6). Comment connaître la vérité ? Les analyses ADN se révèlent plus compliquées en étymologie qu’en génétique !
Pour être au courant
1- Ce satyre n’est pas un homme cynique ou / et au comportement obscène (ein Sittenstrolch) – au sens moderne du terme -, mais un personnage mythologique, compagnon de Dionysos / Bacchus, qui est représenté avec un corps d’homme, mais aussi des cornes et des pattes de bouc (Satyr = Waldgeist).
2- voir les deux versions d’Esope, et la fable de La Fontaine (fable 7 du livre V, publié en 1668) – (lien)
3- un apologue est un conte, une fable, une courte histoire dont se dégage une leçon morale.
4- Das Waldmännlein und der Holzfäller –
« Es war einmal ein Mann, der schlug tief im Wald Holz. Zu diesem kam ein Waldmännlein, das gar freundlich zu ihm sprach. Es war aber sehr kalt, denn es war mitten im Winter, und den Mann, der Holz hackte, fror es an seinen Händen. Oft legte er die Axt beiseite und hauchte in die hohlen Hände, um sie dadurch zu erwärmen.
Das Waldmännlein sah dies und fragte ihn, was das zu bedeuten habe. Der Holzschläger erklärte ihm, dass er durch den Hauch seines Mundes seine erfrorenen Hände erwärmen wolle; das Männlein war mit der Antwort zufrieden. Da kam endlich Mittagszeit, und der Holzfäller schickte sich an, am Feuer sein Mittagsmahl zu bereiten, und kochte sich den fetten Schmarren. Noch immer war das Waldmännlein bei ihm und sah ihm neugierig zu.
Der Holzfäller aber hatte großen Hunger und wollte nicht warten, bis die Speise abgekühlt war, sondern er aß davon vom Feuer her. Da sie aber noch recht heiß war, blies er mit seinem Mund auf jeden Löffelvoll. Das Waldmännlein nahm dies wunder und sagte:
– Ist der Schmarren vom Feuer her nicht warm genug, dass du noch daranbläst wie an deine erfrorenen Hände?
Der Holzschläger aber erklärte ihm, dass er dies tue, um den heißen Bissen abzukühlen. Das konnte das Waldmännlein aber nicht mehr fassen. Es sprach zum Holzschläger:
– Du bist ein ganz unheimliches Wesen; aus deinem Mund kommt bald warm, bald kalt, bei dir mag ich nicht länger verweilen. Und augenblicklich ging das Waldmännlein davon. » (lien)
5- En allemand, Zacke désigne les sommets pointus d’une montagne, les dents d’une scie ou celles d’une fourchette, les pointes d’une couronne ou d’une étoile.
6- zigzag : mot d’origine française ou allemande ? On observe, dans les deux langues, un procédé similaire de formation des mots avec duplication de la syllabe et modification de la voyelle.
On relève en particulier l’alternance vocalique « i – a » (qui n’a rien à voir avec l’intelligence artificielle…)
– en français dans tic-tac, couci-couça, pif paf, cahin caha, ici et là, deci-delà, ric rac, micmac, bric à brac, trictrac, et patati et patata…
– en allemand dans hie und da, klingklang, Hickhack, bimbam, Schnickschnack, Mischmasch, Wischiwaschi, etc…
Ganache et promandibulie habsbourgeoise
Les germanophones utilisent couramment les mots « croissant », « crème brûlée », « baguette », « bon vivant », « à la carte », « gourmet » « amuse-gueule », « eau-de-vie », « bouquet »… – pour n’en citer que quelques-uns.
Quant au lexique international de la gastronomie, il abonde en termes techniques, de « Chef de cuisine » à « Sommelier » en passant par « Saucier », de « Brunoise » à « Remoulade » en passant par « Aspic » ou « Zeste », etc.
En effet, le rayonnement de la cuisine française à partir du XVIIIe siècle était tel que son vocabulaire a fait le tour du monde et s’est imposé bien au-delà des frontières de l’Hexagone.
Le mot « ganache » fait partie de ces termes culinaires d’origine française. La recette de cette garniture ou glaçage à base de chocolat fondu et de crème fraîche serait le fruit d’un accident (1). Selon la légende, en 1850, un apprenti confiseur parisien aurait renversé par mégarde un pot de crème dans une bassine de chocolat fondu. Son chef l’aurait alors traité de « ganache » – c’est-à-dire d’imbécile – à cause de cette maladresse. Cependant, ayant goûté cette création culinaire accidentelle, il aurait été conquis et lui aurait donné le nom qu’elle porte encore aujourd’hui.
A l’origine, la ganache n’a rien à voir avec la cuisine. C’est « la partie molle et tendre qui couvre la mâchoire inférieure du cheval ». Un cheval « chargé de ganaches » a « la mâchoire grosse et charnue » . Puis l’expression « vieille ganache » désigne un vieux cheval à l’allure lourde et, au milieu du XVIIIe siècle, une personne peu intelligente et à l’esprit lourd. En 1815, l’expression est attestée comme synonyme de « vieillard incapable et stupide. » Et, comme on l’a vu, en 1840, l’apprenti pâtissier se fait traiter de « ganache » – ce qui est alors synonyme d’imbécile.
En quoi cette préparation culinaire au chocolat – ou l’imbécillité ? – peut-elle avoir un rapport avec la dynastie des Habsbourg ?
Le mot ganache a été emprunté à l’italien ganascia au XVIIe siècle. Il est lui-même dérivé du bas latin ganathos qui vient du grec gnathos, tous deux employés dans le sens de « mâchoire« .
La promandibulie est appelée aussi couramment « menton en galoche » ou, plus savamment, prognathisme (pro + gnathos = mâchoire proéminente) : c’est une déformation mandibulaire (donc, de la mâchoire inférieure) qui rend très difficile la parole et la mastication des aliments.
Pourquoi « habsbourgeoise » ? Chez les Habsbourg, cette malformation était due à une longue série de mariages consanguins pendant plusieurs générations (lien) : Charles II, roi d’Espagne de 1665 à 1700, est le produit « parfait » (si l’on peut dire…) de la politique d’unions consanguines pratiquée par les Habsbourg afin d’étendre et de maintenir leur pouvoir en Europe.
Son arrière-arrière-grand-père Charles Quint avait épousé sa cousine germaine ; leur fils Philippe II s’est marié avec sa nièce ; leur fils Philippe III a épousé sa cousine au second degré ; leur fils Philippe IV s’est marié avec sa nièce (le taux de consanguinité entre eux était de 25 %, comme entre un frère et une sœur) : leur fils Charles II est le dernier de la lignée des Habsbourg d’Espagne. Infirme, rachitique, stérile et arriéré mental, il souffrait lui aussi de prognathisme. Il est mort à 38 ans, sans descendance. (2)
Le rapport étymologique entre la ganache et le prognathisme habsbourgeois, c’est la mâchoire. Le rapport sémantique, c’est donc l’imbécillité, – celle – au sens actuel du terme (sot, andouille…) – de l’apprenti confiseur à l’origine de l’invention de la ganache, – et celle – au sens originel du terme (3) – du malheureux dernier représentant de la lignée des Habsbourg d’Espagne.
Pour être au courant1- Fables culinaires et sérendipité (c’est-à-dire le fait de faire par hasard une découverte inattendue qui s’avère ensuite fructueuse) : cette anecdote sur l’origine de la ganache est probablement fictive, tout comme celles sur l’invention – de la Tarte Tatin (tarte aux pommes caramélisées « renversée » par étourderie), – du Roquefort (un jeune berger aurait oublié son pain et son fromage dans une grotte, et les aurait retrouvés longtemps après, couverts de moisissures…), – de la Crêpe Suzette (flambée au cognac à la suite d’un malencontreux accident), – des Bêtises de Cambrai, ou du Manqué (un gâteau de Savoie raté)…
2- Fin de la dynastie des Habsbourg et début de celle des Bourbons sur le trône d’Espagne. Le successeur de Charles II est Philippe V, petit-fils de Louis XIV et… petit-neveu de ce même Charles II par sa grand-mère Marie Thérèse d’Autriche (elle-même cousine doublement germaine de son époux Louis XIV). (En savoir plus)
3- imbécile est dérivé du latin imbecillus qui signifie « faible (de corps, d’esprit), sans caractère ». Il se compose du préfixe privatif « in– » et du radical « baculum » (le bâton). Un imbécile est donc, littéralement, quelqu’un qui est sans bâton, sans appuis, sans béquille, qui est démuni, comme Charles II, peu gâté par la nature.