Tennis – fin du tournoi

Le Tournoi de Roland-Garros vient de s’achever par la victoire, chez les hommes, de Carlos Alcaraz contre Jannik Sinner, respectivement  avec 7 et 8 aces sur l’ensemble de la partie.

Mais d’où vient le nom de ce service sans retour, où la balle n’est pas touchée par le relanceur ?
On l’associe généralement à l’as du jeu de cartes : en effet, en anglais, les deux mots sont écrits (ace) et prononcés de la même façon. (1) Cependant, comme ils ont été tous les deux empruntés au français (au XIIIe siècle), ce n’est pas forcément  la preuve d’une étymologie commune.

Selon certains lexicologues, le mot « ace » (le service imparable) viendrait de l’ancien français « ais » (avec prononciation du « s » final) où il désignait une planche de bois (2).
A la courte paume, jouée en salle, les joueurs pouvaient faire rebondir la balle sur les murs, et même sur le toit en pente  de la galerie, pour atteindre des « cibles » leur permettant de gagner des points.
Le « coup d’ais » était particulièrement difficile à exécuter : seuls les champions, les as, arrivaient à envoyer la balle, de volée, percuter percuter un « ais », une planche maçonnée dans le mur, réalisant ainsi un « ace » spectaculaire.

Le nom de la balle utilisée au Jeu de Paume, l’esteuf, est, lui, d’origine germanique. Il est apparenté au mot « étoffe » (Stoff en allemand moderne) ← du francique « stopfôn » qui signifiait « mettre, fourrer, enfoncer dans » (comme le verbe moderne allemand « stopfen »).

En effet, au moyen âge, l’esteuf était une boule de poils ou de laine compressée, serrée dans une peau animale (donc, du cuir). Peu à peu, sa fabrication s’est perfectionnée : au XVIe siècle, la balle avait un coeur en liège – un matériau à la fois solide et léger – entouré de bandelettes d’étoffe renforcées de cuir.

Contrairement aux balles modernes, fabriquées en caoutchouc naturel ou synthétique, l’esteuf rebondissait mal. C’est pour cela que, à la courte paume, on jouait sur une surface dallée très dure – appelée le « carreau  » – pour compenser le manque d’élasticité de la balle.

C’est de là que vient l’expression « rester sur le carreau » qui signifiait, au sens propre, que le joueur tombé sur le sol dallé ne pouvait plus se relever car il était soit grièvement blessé, soit mort (3). Le sens de la locution s’est atténué : elle est synonyme de « se trouver en difficulté », « être hors de combat » ou « rester en rade »:  « auf der Strecke bleiben, außer Gefecht sein ». (4)

Avec ses « coups d’ais » sensationnels, ses joueurs « restés sur le carreau », le Jeu de Paume était spectaculaire pour le public, massé dans les galeries aménagées autour de l’aire de jeu, et protégées par des filets. Au XVIe siècle, par métonymie, le mot « galerie » a désigné les spectateurs qui assistent à la partie. C’est de là que vient l’expression « épater la galerie ».

A l’origine, elle signifie disputer une partie en suscitant une admiration « à en couper les jambes » et, par extension, « à faire tomber à la renverse » (umhauen, au sens propre et au sens figuré du terme).
En effet, le premier sens du verbe « épater » (é-patter) est « couper une / les patte/s » à un animal.

Vous voilà épaté, n’est-ce pas ? L’étymologie est une science épatante.

Pour être au courant

1- Si, en français « hexagonal », on distingue l’as (du jeu de cartes) de l’ace (service gagnant), au Québec, les deux mots sont orthographiés « as ».

2- Évincé par « planche », le mot « ais » ne subsiste plus en français que dans des emplois techniques (par ex. en menuiserie, en reliure).

3- Le roi Louis X, dit « le Hutin, compte parmi les victimes du Jeu de Paume. En 1316, après une partie exténuante au Bois de Vincennes, le souverain est allé se rafraîchir avec du vin glacé. Il a contracté une pneumonie à laquelle il a succombé quelques jours plus tard.

4- auf der Strecke bleiben : l’expression vient du jargon des chasseurs où le mot « Strecke » signifie l’ensemble du gibier tué. Les animaux abattus et les joueurs battus restent étendus, hors de combat, sur le sol… ou le carreau.

Tennis 2025 – Deuxième manche

Le tournoi de Roland-Garros continue, tout comme notre recherche des mots français dans le jargon tennistique.

Au tennis, la manière de compter les points (15, 30, 40, puis 60 – remplacé par « jeu ! ») peut paraître bizarre. C’est, là aussi, un héritage de l’ancêtre du tennis, le Jeu de Paume.

Au Moyen-âge, le système numérique sexagésimal, basé sur le nombre 60 (et, par extension, ses sous-multiples 15, 30, 45) était très répandu :
l’heure est divisée en 60 minutes (même si, en général, les horloges anciennes n’indiquaient que les heures et n’avaient pas d’aiguille des minutes (1), elles sonnaient tous les quarts d’heure : à 15, puis 30, puis 45 et, finalement, à chaque heure pleine, au bout de 60 minutes) ;
– pendant des siècles, le nombre 60 a été la base du système monétaire français : ainsi l’écu d’or, créé par Louis IX (alias Saint Louis) dans la 2ème moitié du XIIIe siècle, avait une valeur de 60 sols. Plus tard, le louis d’or (créé par Louis XIII en 1640) vaudra aussi 60 sols.

On ne sait pas exactement pourquoi « 40 » a remplacé « 45 » dans le comptage des points. C’est probablement parce que « quarante » est plus court et plus simple à prononcer que « quarante-cinq » : c’est une solution de facilité – du moins en français car, en anglais « forty » présente l’inconvénient d’être plus facilement confondu avec « thirty » que « forty-five ».

S’il est bien connu que la lettre « A  », utilisée pour indiquer une égalité de points lors d’un jeu, (par exemple 15-A pour 15-15), fait référence au mot anglais « All » (« tous », sous-entendu : tous les joueurs ont le même nombre de points), d’autres formules sont plus  déroutantes.

Ainsi, l’annonce du score « fifteen-love », « thirty-love » ou « forty-love » signifie que le serveur vient de marquer un, deux ou trois points d’affilée alors que son adversaire n’en a gagné aucun.

Mais quel est son rapport avec l’amour ?
Aucun ! Le mot tennistique « love » vient, lui aussi, de la langue de Molière et résulte de l’agglutination (en l’occurrence de l’article élidé et du substantif) de « l’œuf », un mot dont l’orthographe a varié au cours des siècles, passant du latin « ovum » à l’ancien français « of » et « uef » (XIIe siècle), puis en moyen français « oef » (XIVe siècle), « euf » (XVe siècle).

La forme ovale du chiffre « 0 » (zéro) était ainsi associée à celle de l’œuf. Au Jeu de Paume, un score de 15 à 0 était en effet annoncé « quinze-l’oef », une forme qui s’est transformée Outre-Manche en « fifteen-love ». (2)

L’expression «deuce» serait, elle aussi, empruntée au système comptable du Jeu de Paume.
Lorsque les deux joueurs se trouvaient à égalité 45 à 45, pour remporter le jeu, l’un d’eux devait marquer encore deux points consécutifs, c’est-à-dire obtenir d’abord l’avantage (A – 45) puis le point gagnant.
A 45-45, les joueurs étaient « à dous » (donc à deux points de la victoire). Prononcé à l’anglaise, ce « dous » s’est transformé en « deuce ». (3)

Pour être au courant

1- La Tour de l’Horloge (Uhrturm) emblème de la ville de Graz, a été construite au XIIIe siècle, mais elle n’indique l’heure que depuis le XVIe siècle, lorsqu’on l’a munie de trois cadrans.
Cette horloge a une particularité : l’aiguille des heures est plus grande que celle des minutes.
L’horloge n’avait à l’origine qu’une très grande aiguille (de 4 m de long pour un cadran de 5 m de diamètre) indiquant les heures. Le quatrième cadran a été ajouté sur la façade nord en 1712 lorsqu’on on a remplacé le mécanisme de l’horloge par un autre qui permettait d’indiquer aussi les minutes avec une certaine précision : l’aiguille des minutes qu’on a ajoutée sur chaque cadran à cette occasion était nettement plus petite que celle des heures.

2- Aujourd’hui, c’est aussi par analogie de forme qu’une manche perdue au tennis sur le score de 6 à 0 – où l’un des joueurs n’a pas remporté un seul jeu – est une « roue de bicyclette« . S’il perd les deux sets 6-0 et 6-0, il « prend deux roues de bicyclette » ou il « repart à vélo » (avec des roues ovales… qui rendent ledit vélo inutilisable).

3- En ancien français, le « s » final de « dous » (dérivé du latin « duos ») était prononcé, ce qui explique sa transformation en « deuce » en anglais.

Tennis 2025 – Première manche

Le tournoi de Roland-Garros vient de commencer.

Si le jeu de tennis moderne a bel et bien été codifié par les Anglais (dans les années 1870), ce sport – et une partie de son vocabulaire très spécifique – s’est inspiré du Jeu de Paume (1) qui, lui, est d’origine française.

D’ailleurs son nom même, « tennis », vient directement du « tenez » (impératif du verbe tenir) lancé par le serveur au Jeu de Paume, pour s’assurer que son adversaire était prêt à retourner la balle.
Un appel qu’on pourrait traduire par « Nehmen Sie doch (den Ball) an! » ou par « Halten Sie sich bereit! (tenez-vous prêt !)

En passant dans la langue anglaise au XIVe siècle, « tenez » s’est transformé successivement en « tenetz », puis « teneys » et « tenys » (toujours avec prononciation du « z » ou du « s » final), pour se fixer sous la forme et la prononciation que nous connaissons aujourd’hui « tennis ».

Mais pourquoi parle-t-on de « service » pour désigner la « mise en service de la balle », et de « serveur » pour celui qui l’effectue ? Ces emplois s’expliquent par le fait que, alors que le Jeu de Paume était pratiqué presque exclusivement par la haute noblesse, c’était un serviteur (« serveor » au XIIIe siècle) qui mettait la balle en jeu. De cette « servitude », il n’est resté, sur les courts de tennis modernes, que les ramasseurs de balle.

Pour être au courant

1- Le Jeu de Paume doit son nom au fait que, à l’origine, ce sport – ou deport (2), comme on disait en ancien français – de balle était pratiqué à main nue. On envoyait et renvoyait la balle avec la paume de la main. Peu à peu, les joueurs ont protégé leur dextre (s’ils étaient droitiers…) avec un gant, puis ont adopté successivement un battoir (comme une batte de base-ball), une raquette pleine, et, finalement, une raquette à tamis, avec un cadre en bois et des cordes en chanvre ou en boyau, surtout de mouton.

Vu leur prix élevé, ces accessoires étaient réservés aux nobles. Les « vilains », eux, devaient se contenter de frapper la balle avec la paume de la main, ce qui a donné naissance à l’expression « Jeu de mains, jeu de vilains » (es wird noch böse enden) qui signifie aujourd’hui qu’une petite dispute peut rapidement dégénérer en une violente bagarre et, sous-entendait donc que les « rustres » en viennent facilement aux mains.

2- Attesté en français seulement à partir des années 1820, le mot « sport » est un emprunt à l’anglais, ou plus exactement un réemprunt puisqu’il vient de l’ancien français « deport », dérivé du verbe « deporter, desporter » et signifiant « plaisir, distraction ».
Il était donc lié à l’idée de divertissement et pas forcément d’activité physique ou de compétition, un nouveau sens qu’il a acquis dans la langue anglaise.
L’espagnol, « deporte » rappelle l’origine française du mot « sport ».

Plus dure sera la chute…

Éliminés en quarts de finale de la Ligue des champions par Arsenal, finalistes malheureux de la Coupe du Roi, distancés en Liga, les Merengues (1) risquent fort de connaître une saison sans titre ni trophée.

La presse germanophone titre « Hochmut kommt vor dem Fall » (article).
Les commentateurs sportifs critiquent l’arrogance des joueurs et du staff du Real Madrid, habitués à la victoire et qui, après cette série de défaites, »tombent de haut ».

Le proverbe « Hochmut kommt vor dem Fall » est d’origine biblique : il vient du Livre des Proverbes :
« Stolz führt zum Sturz, und Hochmut kommt vor dem Fall! » (16:18) – L’orgueil précède la ruine, Et la morgue précède la chute.

Connu pour sa sagesse légendaire (2) et son règne prospère, le roi Salomon veut mettre en garde son fils contre l’orgueil. Mais ces sages principes ont été ignorés par son successeur, Roboam, qui a succombé à l’arrogance et à l’orgueil, ce qui a conduit à la division du royaume d’Israël.

L’expression n’est pas devenue proverbiale en français, mais elle trouve son équivalent dans la locution « Il n’y a pas loin du Capitole à la Roche tarpéienne » qui, elle, est d’origine latine (3a).

Le Capitole (l’une des sept collines de Rome où se trouvaient le temple consacré à Jupiter, Junon et Minerve, ainsi que le Sénat) était le cœur du pouvoir religieux et politique de la République romaine.

La roche Tarpéienne se trouve sur la même colline et surplombe le Tibre : c’est de son sommet que les condamnés à mort étaient précipités dans le vide pour être exécutés.

Parmi eux se trouvaient surtout des notables (3b), des hommes puissants qui, du jour au lendemain, sont passés des plus grands honneurs à la mort la plus infamante.

Une expression équivalente – mais moins littéraire – a été popularisée par un film américain, sorti en 1956 « The Harder They Fall » dont le titre a été traduit en français par « Plus dure sera la chute ».
Réalisé par Mark Robson, il s’inspire en partie de la vie du boxeur Primo Carnera qui a connu un destin tragique. C’est le dernier rôle interprété par Humphrey Bogart.

L’origine de la locution est controversée, mais différentes sources affirment que ce serait la traduction d’un proverbe chinois : « Plus on s’élève, plus la chute est dure », c’est-à-dire que, plus on est important, puissant ou prospère, plus on a à perdre, plus on tombe de haut lorsqu’on connaît une défaite ou un revers.

Pour être au courant

1- Le surnom les « Merengues » – aussi appelés les « Galactiques » ou le « Ballet blanc » – désigne le club de foot du Real Madrid.

2- Le jugement de Salomon est une décision sage, la résolution d’un conflit difficile. L’expression se réfère à l’histoire biblique où Salomon tranche un litige entre deux femmes qui prétendent toutes les deux être la mère d’un même enfant. Le roi propose de couper le nouveau-né en deux et d’en remettre une moitié à chacune. Pour sauver la vie de son enfant, la vraie mère préfère qu’il soit donné à l’autre femme, prouvant ainsi sa maternité.

3a- En latin : « arx Tarpeia Capitoli proxima »
3b- Le commun des mortels, les « simples » criminels et malfaiteurs étaient exécutés de manière moins spectaculaire que les puissants.
Le consul Spurius Cassius Vecellinus, lui, a été précipité de la Roche tarpéienne en 485 av. J.-C. pour avoir tenté de devenir roi. Le consul Marcus Manlius Capitolinus a subi le même sort en 384 av. J.-C. pour les mêmes raisons.
Sextus Marius, propriétaire de mines d’or et de cuivre, immensément riche, mais accusé d’inceste avec sa fille, a été exécuté en ce lieu en 33 après JC ; l’empereur Tibère en a profité pour s’approprier lesdites mines.